Twitch Plays Pokemon et le contrôle du web

La semaine dernière, le site Twitch a lancé Twitch Plays Pokemon. C’est grosso modo une version modifiée des jeux Pokémon Rouge et Bleu sur Game Boy contrôlée par les joueurs indiquant leurs commandes dans le chat. Ça donne un joyeux bordel où des milliers de joueurs indiquent toutes les commandes possibles et leurs contraires. Et aussi incroyable que ça puisse paraître, ils arrivent à progresser dans le jeu.

Le blog Minimaxir a publié un excellent compte-rendu de cette partie. Et plus particulièrement de certaines difficultés rencontrées :

twitch_pokemon_tree

HM 01 est un objet qui permet de donner la capacité de Couper à un Pokémon, ce qui est nécessaire pour couper des arbres bloquant le passage. En l’occurrence ici, l’arbre en face du gymnase de Vermilion City. Afin d’apprendre à un Pokémon à couper, le joueur doit :

  1. Faire apparaître le menu Start.
  2. Sélectionner « Objets. »
  3. Sélectionner HM 01.
  4. Confirmer que HM 01 doit être utilisé.
  5. Choisir un Pokémon à qui apprendre à couper.
  6. Confirmer que le Pokémon choisi doit apprendre à couper.
  7. Choisir une capacité à remplacer par « couper ».

La partie marrante ? Appuyer sur le bouton B ou choisir la mauvaise option durant n’importe laquelle de ces sept étapes fait revenir le processus un pas en arrière.

À ce stade dans le flux, l’audience avait atteint 30 000 spectateurs. L’activité augmentée causait un délai d’entrée d’environ vingt secondes entre le moment où un utilisateur de Twitch avait saisi sa commande dans le chat et le moment où la commande était reconnue dans le jeu. Ça peut rendre la navigation dans les menus difficile quand une commande « Haut » ou « Bas » est appliquée à un menu qui n’est même pas encore visible.

En plus de ça, alors que le nombre de spectateurs augmentait, le nombre de trolls aussi. Et ces trolls adoraient spammer le bouton B.

Grâce à tous ces facteurs, la chaîne a passé plus de 4 heures sans parvenir à apprendre à un Pokémon à couper. Le chat était devenu un véritable bain se sang de reproches.

Et puis ça a fini par arriver. Le Canarticho a appris à couper. Personne ne sait comment, mais c’est arrivé. Mais ce n’était qu’un pas vers la progression.

La seconde étape était d’effectivement couper l’arbre en question. Afin de couper, il fallait

  1. Faire face à l’arbre.
  2. Faire apparaître le menu Start.
  3. Choisir « Pokémon ».
  4. Choisir le Pokémon avec qui couper.
  5. Choisir « Couper ».

Même problèmes qu’auparavant. Et faire face à l’arbre est encore plus difficile puisque les commandes Haut/Bas pour naviguer dans le menu peuvent éloigner le personnage de l’arbre.

Il a fallu à nouveau 4 heures pour couper cet arbre. Et plus tard, quand le personnage a été vaincu dans le gymnase, l’arbre avait réapparu. Oui.

HM 01 est un dur rappel que plus il y a de personnes présentes, plus il y a de chances que votre tâche échoue. Pas forcément à cause d’incompétence ou de manque d’organisation, mais simplement à cause de personnes mal intentionnées.

Cette avant dernière phrase s’applique particulièrement bien aux réunions en entreprise.

Un paragraphe dans l’introduction de l’article m’a particulièrement marqué :

Au final, la communauté des joueurs se bat contre son plus grand ennemi : soi même. Le but de Twitch Plays Pokémon n’est pas de gagner. C’est de ne pas échouer de manière spectaculaire. Et ils échouent quand même quoi qu’il en soit. C’est une irrésistible collision ferroviaire qu’il est difficile de s’arrêter de regarder.

Je trouve que ça fait une bonne analogie pour parler du web. Parce que quand j’y pense, c’est quand même incroyable que le web existe toujours et qu’on arrive à aller de l’avant dans cette plate-forme ouverte et collaborative. Parce que dans ce joyeux bordel, tout le monde aussi veut avoir le contrôle.

Entre les opérateurs (qui rêvent d’un web fermé où ils pourront facturer votre navigation par forfait de sites comme les abonnements TV), les fabricants de navigateurs (qui rêvent d’avoir un monopole absolu et d’imposer leurs technologies propriétaires), les États (qui rêvent d’avoir un contrôle sur tout ce qui peut transiter sur le réseau), et puis nous autres petits concepteurs web (qui rêvons d’avoir un contrôle sur le rendu et le fonctionnement de nos pages), c’est tout bonnement incroyable qu’on arrive à faire le moindre progrès.

Et pourtant.