L’expérience après une commande
Le mois dernier, j’ai été missionné par le Père Noël pour trouver une poupée « Elsa Chantant » pour ma filleule. Après une recherche sur Google, j’ai rapidement décidé de passer commande sur le site de Toys“R”Us (qui m’assurait d’être livré dans les temps, vu que je ne m’y prenais pas du tout à la bourre…). Je n’avais jamais passé de commande sur le site, et j’ai été très agréablement surpris par la simplicité et la facilité d’achat sur le site. En effet, dès la page panier, le site de Toys“R”Us propose un bouton « Acheter avec Paypal » qui me redirige directement vers Paypal. Je n’ai alors eu qu’à me connecter à mon compte Paypal, et toutes mes coordonnées ont été récupérées. J’ai ainsi pu passer une commande sans avoir à me créer de compte chez Toys“R”Us, ce qui est vraiment pratique dans ce genre de cas où je ne compte pas refaire d’achat.
À ce moment précis, j’étais un client totalement satisfait. Mais je ne sais pas si je peux en dire autant pour tout ce qui a suivi ma commande, hors du site, à travers les différents e‑mails reçus. Et en y repensant, j’ai l’impression que mon expérience est assez représentative de ce qui se passe pour un client après une commande en ligne. Cet article n’a donc rien du tout de personnel contre Toys“R”Us. Je tenais plutôt à partager quelques remarques et réflexions.
J’ai reçu neuf e‑mails suite à cette commande. Neuf e-mails. Pour une simple commande qui s’est parfaitement déroulée, avec un seul article. Ça fait beaucoup, neuf e‑mails.
Sur ces neufs e‑mails, aucun n’est optimisé pour un affichage sur mobile. Toys“R”Us dispose pourtant d’un site mobile, d’une application iOS, et d’une application Android, permettant de passer commande depuis un mobile. Si vous dépensez autant d’argent et d’énergie pour permettre à vos clients de passer commande sur un mobile, c’est vraiment dommage de ne pas aller au bout de l’idée et de proposer des e-mails adaptés pour le support sur lequel on vient de passer commande.
J’ai aussi rencontré de nombreuses incohérences, que ce soit dans l’écriture du nom de la marque, dans le ton rédactionnel adopté ou dans la charte des e-mails. Et puis j’ai rencontré des bugs, dus à une intégration et des tests négligés.
Voici le détail des e‑mails en question.
Premier e‑mail
Date : mercredi 17 décembre à 20h37 (et 17 secondes)
Expéditeur : service@paypal.fr
Objet : Vous avez effectué une commande d’un montant de XX,XX EUR chez Toys R Us France
Le tout premier e‑mail reçu suite à ma commande ne provient pas directement de Toys’R’Us, mais de Paypal. Cet e‑mail me rappelle le montant total de ma commande et mon adresse de livraison. Détail intéressant : le marchand est identifié comme « Toys R Us France », mais l’adresse e‑mail de contact précisée en dessous est service@toysrus.de. Ce n’est pas forcément très rassurant de voir apparaître un domaine différent de celui où j’ai passé ma commande.
Deuxième e‑mail
Date : mercredi 17 décembre à 20h37 (et 29 secondes)
Expéditeur : ToysRUs
Objet : Votre commande
Ce second e‑mail a été expédié seulement douze secondes après le premier. Et c’est le premier e‑mail que je reçois de Toys“R”Us pour ma commande. Cet e‑mail récapitule ma commande, en détaillant l’article que j’ai commandé. Mais par contre, nulle part ne figure sur ce message le montant total de ma commande ainsi que le montant de ma livraison. Il faudra pour ça attendre l’e‑mail suivant.
En attendant, l’objet de l’e‑mail est un très générique « Votre commande ». La plupart des applications mail ou webmails modernes (comme Gmail, Apple Mail, Outlook.com, …) regroupent par défaut les e‑mails par « conversation », en se basant uniquement sur l’objet et l’expéditeur d’un message. Cela signifie que si je repasse commande chez Toys’R’Us, et que je reçois à nouveau un message avec comme objet « Votre commande », ce nouvel e‑mail apparaîtra chez moi comme une suite de la conversation déjà existante. Pour un site où je ne commande pas régulièrement, ça peut faire ressortir de très vieux messages, ce qui peut paraître assez étrange.
Aussi, le corps de l’e‑mail commence par la formulation « Cher/Chère Rémi ». Alors soyons clair, chères marques, si vous n’êtes pas capables de dire si je suis un garçon ou une fille, c’est que je ne suis peut-être pas si cher que ça à vos yeux. Et dans ce cas, ça ne signifie pas qu’il faut à tout prix ajouter un champ « Sexe » à vos formulaires. Mais plutôt que dans le doute, une formulation dénuée de tout genre sera bien plus appropriée. Un simple « Bonjour » par exemple, même s’il est 20h37 et 29 secondes, sera bien plus humain qu’un « Cher/Chère ».
Enfin, dans le footer, il y a une mention en simple texte « Tous droits réservés. Toys »R »Us.fr/ Babies »R »Us.fr ». Sauf que pas mal d’applications mails (comme ici Apple Mail) ajoutent automatiquement des liens sur ce qu’ils identifient comme des URL, des numéros de téléphone ou des adresses. Sauf qu’ici, à cause des guillemets, c’est seulement la dernière partie « us.fr » qui se retrouve transformée en lien.
Troisième e‑mail
Date : mercredi 17 décembre à 21h39
Expéditeur : ToysRUs
Objet : Confirmation de commande XXXXXXXX
Une heure et deux minutes après le précédent e‑mail, je reçois cette fois-ci un vrai e-mail de confirmation de commande complet, avec le détail de ma commande, le montant total de ma commande, le détail des frais de livraison.
Mais s’il reprend le même gabarit que le précédent e‑mail, cet e‑mail est tout cassé. Il est aligné à gauche (au lieu d’être centré), avec son corps plus gros que son header, et une case blanche qui apparaît en haut à droite. Ce n’est probablement pas grand chose à corriger en intégration. Mais le fait qu’un client lambda comme moi reçoive un e‑mail dans cet état me laisse penser que soit une modification a été faite à l’arrache au moment où j’ai passé ma commande, ou alors que cet e‑mail n’a pas été testé depuis très longtemps. Le « © 2010 » me fait pencher pour la seconde option.
Quatrième e‑mail
Date : jeudi 18 décembre à 21h10
Expéditeur : ToysRUs
Objet : Confirmation d’expédition de votre commande
À peine un jour après ma commande, celle-ci est déjà expédiée, comme me le confirme ce quatrième e‑mail. L’objet de cet e‑mail est à nouveau totalement générique.
Mais alors que l’information principale de ce message est l’expédition de ma commande, j’ai à nouveau droit à un récapitulatif complet de ma commande (avec mon article expédié, et le détail du total de ma commande). Il y a bien un lien de suivi de ma commande, mais celui-ci est complètement noyé au milieu du récapitulatif.
Cinquième e‑mail
Date : jeudi 18 décembre à 21h10
Expéditeur : ToysRUs
Objet : Toys »R »Us Votre facture
Envoyé exactement au même moment que le précédent e‑mail, je reçois la facture correspondant à ma commande. Cette fois-ci, la charte de l’e‑mail n’a plus rien avoir avec les précédents e‑mails reçus. Et celui-ci semble tout droit sorti du bureau sombre d’un comptable.
L’objet du message est encore une fois très générique (et risque d’être associé à des précédentes commandes par les applications mail). Et puis surtout il est vraiment nul. « Toys »R »Us Votre facture ». Ce n’est même pas une vraie phrase. À la limite, pourquoi pas « Votre facture Toys »R »Us ». Mais surtout, j’ai remarqué que Toys“R”Us a un vrai problème identitaire sur l’écriture de son nom commercial. Rien que dans cet e‑mail, j’ai droit à « ToysRUs », « Toys »R »Us », « TOYS R US », « Toys R Us ».
Le corps du message commence simplement par « Cher client ». Alors soit ils ont miraculeusement deviné que j’étais un homme, soit ils assument que tous leurs clients sont des hommes.
Sixième e‑mail
Date : vendredi 19 décembre à 07h13
Expéditeur : Service Livraison Colissimo
Objet : Votre colis N° XXXXXXXXX est en cours d »acheminement
J+2 après ma commande, et c’est cette fois-ci La Poste qui m’écrit pour me dire que mon colis est bien pris en charge. C’est bien, mais en fait ce message ne m’apporte aucune information supplémentaire depuis le précédent envoyé dix heures plus tôt. Alors je ne sais pas comment sont gérés ces e‑mails, mais j’aurais largement préféré savoir quand mon colis était prêt à être distribué, plutôt que cette information pas vraiment utile pour moi.
À noter qu’il y a une faute dans l’objet (« d »acheminement », avec deux apostrophes). J’ai recherché dans mes vieux e-mails, et la faute était déjà présente dans un même e-mail reçu en décembre 2013. Encore une fois, personne ne semble tester ces e-mails (ou tout le monde s’en fiche, mais je préfère garder foi en l’humanité).
Le lendemain, samedi 20 décembre, j’ai reçu ma commande. À ce moment, je pensais naïvement ne plus être contacté suite à cette commande et être libéré et délivré de ces e-mails. Mais j’avais tort.
Septième e‑mail
Date : jeudi 25 décembre à 08h39
Expéditeur : ToysRUs
Objet : Toute l’équipe Toys »R »Us vous souhaite un très Joyeux Noël !
Je ne m’étais pas inscrit aux newsletters, et pourtant, le 25 décembre j’ai reçu ce message me souhaitant « de très belles fêtes de fin d’année ». Le gabarit de l’e-mail est à nouveau différent.
Huitième e‑mail
Date : mercredi 31 décembre à 07h43
Expéditeur : ToysRUs
Objet : Votre satisfaction est notre préoccupation.
Pour ce huitième e-mail, Toys“R”Us m’envoie une enquête de satisfaction concernant ma commande. L’e-mail utilise un nouveau gabarit (le quatrième parmi les e-mails reçus de Toys“R”Us). Le corps du message commence cette fois-ci par la formulation multi-genre « Chère cliente, cher client ».
Neuvième e‑mail
Date : jeudi 1 janvier à 08h42
Expéditeur : ToysRUs
Objet : Toute l’équipe Toys »R »Us vous souhaite une année 2015 pleine de bonheur !
J’ai d’abord cru à une erreur. Mais apparemment Toys“R”Us a renvoyé exactement le même message que pour Noël, mais en changeant le texte principal, me souhaitant « une année 2015 pleine de Bonheur ». Le Père Noël n’a plus trop sa place ici. Le précédent e‑mail était suffisamment générique (parlant de « fêtes de fin d’année »), je me serais bien passé de celui-ci.
Conclusion
Il y a trois mois, j’expliquais à Paris Web que l’intégration d’e‑mails est souvent négligée, « considérée comme un sujet anecdotique […] que personne ne prend réellement au sérieux ». Mais en fait, je pense qu’on peut étendre ça à la conception d’e‑mails en général. On ne pense pas assez aux e‑mails comme faisant partie intégrante de l’expérience d’un utilisateur.
Dans le cas d’e‑mails envoyés suite à une commande, il est important de situer vos e‑mails au sein des autres e‑mails envoyés par des services tiers pour la même commande (dans l’exemple de ma commande chez Toys“R”Us, les e‑mails de Paypal et Colissimo). Si vous n’avez pas le contrôle sur ces e‑mails de tiers, alors réfléchissez à la pertinence des informations que vous envoyez afin de ne pas être redondant.
Aussi, il est important de penser au volume d’e‑mails que vous envoyez à une même personne. Est-ce normal d’envoyer quatre e‑mails en trente-six heures ? Parfois il n’y a que peu d’intérêt à communiquer en temps réel. Et il peut être plus intelligent de chercher à rassembler des informations, pour n’envoyer plus qu’un seul e‑mail.
Pensez également à l’image renvoyée par vos e‑mails. Juste parce qu’il est compliqué d’intégrer des mises en page avancées dans un e‑mail ne signifie pas que vous devez vous contenter de messages pauvrement formatés. Un peu comme quand j’expliquais que la sécurité passe aussi par la qualité, la confiance qui vous est accordée à travers vose‑mails passe aussi par la qualité. Demandez-vous si vos e‑mails ressemblent à des spams nigériens. Si la réponse est oui, vous avez du travail.
Enfin, et surtout, testez. Testez, testez, et testez. À quand remonte la dernière fois où vous avez vraiment retesté les e‑mails envoyés par votre site ? Je ne parle pas seulement de s’assurer que tout s’affiche toujours correctement (les webmails peuvent changer à tout moment, et juste parce que votre gabarit fonctionnait bien il y a six mois ne signifie pas qu’il fonctionne toujours bien aujourd’hui). Mais je parle aussi de relire le contenu de vos e‑mails. N’y a-t-il vraiment aucune faute ? Juste parce que vous avez validé le texte de votre rédacteur web dans Word ne signifie pas qu’il n’a pas pu malencontreusement être altéré par votre graphiste, intégrateur ou développeur. Ces tests peuvent aussi être l’occasion de se reposer les questions fondamentales sur la pertinence de vos e‑mails.