L’expression « surfer sur Internet »

Je déteste l’expression « surfer sur Internet ». Je ne surfe pas. Je suis assis comme un gros porc au fond de ma chaise en train de fixer un écran d’ordinateur. Je n’ai jamais fait de surf, mais je pense que ça n’a pas grand chose à voir. J’ai toujours imaginé que le terme venait d’un fournisseur d’accès ou d’une grosse boîte de com’ des années 90 qui a voulu rendre le web super cool. Mais sur le web français, les réponses sont plutôt évasives quand on cherche d’où vient l’expression. Voici par exemple l’explication de Wikipedia :

L’expression surfer sur le Web signifie « consulter le Web ». Elle a été inventée pour mettre l’accent sur le fait que consulter le Web consiste à suivre de nombreux hyperliens de page en page.

Okay. Il va falloir m’expliquer le rapport entre suivre des liens de pages en pages et des grands blonds musclés qui glissent sur des grandes vagues en Californie.

Heureusement, une petite recherche en anglais nous amène droit à la réponse. La première personne associée à l’utilisation de cette expression est Jean Armour Polly, une bibliothécaire et auteur américaine. En juin 1992, elle publie dans le bulletin de la bibliothèque de l’Université du Minnesota un article intitulé « Surfing the internet« . Sur son site personnel, elle raconte comment lui est venue l’idée de cette expression.

J’étais sous contrat avec le Wilson Library Bulletin pour écrire un article adressé aux débutants à propos d’Internet, à soumettre au journal en mars 1992. L’article a été imprimé dans l’édition de juin 1992.

En écrivant cet article, je savais que ce serait un des premiers du genre. « Zen and the Art of the Internet » était publié sur le net par Brendan Kehoe en janvier 1992, et c’était devenu un phénomène du net à petite échelle. Jusque-là il n’y avait que des RFCs (Requests for Comments) et d’autres écrits techniques à propos d’Internet. L’article de Kehoe innova pour les nouveaux utilisateurs universitaires, et j’étais décidée à faire la même chose pour les bibliothécaires.

En cherchant un titre pour l’article, j’évaluais plein de métaphores possibles. Je voulais quelque chose qui exprimait le plaisir que j’avais à aller sur Internet, tout en évoquant la compétence et l’endurance nécessaire pour bien l’utiliser. J’avais aussi besoin de quelque chose qui évoque un sens de l’aléatoire, du chaos et même du danger. Je voulais quelque chose qui fasse mouche, qui fasse mordre à l’hameçon, quelque chose de nautique.

A cette époque j’utilisais un tapis de souris de la bibliothèque d’Apple à Cupertino, en Californie, célèbre pour inventer et s’approprier des expressions savoureuses et les faire imprimer sur des survêtements et des tapis de souris (par exemple, « Un mois au laboratoire peut vous éviter une heure à la bibliothèque »). Celui que j’avais présentais un surfeur sur une grande vague. « Surfeur de l’information », ça disait. « Eureka », me suis-je dis. Et j’avais ma métaphore.