Un exemple de la théorie de l’engagement

J’ai lu ce matin (via Openweb) un article très complet sur le persuasive marketing chez Gargarismes Ergonomiques. J’ai bien aimé ce passage :

Le persuasive design se base sur la théorie de l’engagement de Kiesler : vous agissez et pensez en fonction de vos actes antérieurs (“seuls vos actes vous engagent”). Ainsi, pour engager une personne vers un comportement final (p.ex. acheter l’intégrale de Mozart), on va lui faire réaliser des actes intermédiaires et préparatoires, les moins coûteux possible en termes d’effort (p.ex. l’inciter à poster un commentaire sur son attachement à Mozart directement sur le site web). On cherche ici l’acte le plus à-même de le prédisposer à en faire un plus coûteux (p.ex. recommander à un ami un CD de Mozart), pour finalement atteindre le comportement visé (p.ex. acheter un CD voire l’intégrale de Mozart).

Et oui, pour amener une personne à faire quelque chose, on pense souvent qu’il s’agit d’une question d’argument, de sensibilisation voire de formation. Détrompez-vous ! Voilà le 1er enseignement clé du persuasive design : pour vous persuader de quelque chose, la question n’est pas de savoir quels arguments on va pouvoir vous asséner mais bien de choisir ce que l’on va pouvoir vous faire faire. L’idée est de vous propulser dans une boucle engageante à travers divers comportements de prime abord anodins. Un simple “oui”, un simple “clic” est engageant.

Ça m’a fait sourire, parce que c’est exactement ce que fait le site Upworthy, un site qui rassemble les contenus viraux du moment. Quand vous accédez à une page du site pour la première fois, vous aurez droit à une popup plein écran de ce genre :

Une popup intrusive sur Upworthy

Luttez contre l’intimidation et la discrimination
Personne ne devrait faire face à de la discrimination en fonction de sa race, son orientation sexuelle, ou son apparence physique.
Je suis d’accord / Non, merci

Ce genre de popup intrusive à l’arrivée sur un site est particulièrement détestable. Mais le message proposé par le site est tellement évident qu’on ne peut qu’avoir envie de cliquer sur « Je suis d’accord », même si notre intention sous-jacente est de fermer cette popup. Sauf qu’en cliquant sur ce bouton, on aura droit à la suite du message :

Et voilà : maintenant on vous demande de vous inscrire à la newsletter

Après vous avoir posé une question évidente, le site Upworthy vous invite à vous inscrire à leur newsletter. C’est l’un des plus vieux tours au monde. Un passant vous demande l’heure, et puis vous demande une petite pièce pour dépanner. Vous vous êtes déjà engagé dans une action. Vous pouvez y mettre un terme, ou alors poursuivre dans une action que vous n’auriez sans doute pas fait sans cette première question. Vu comment Upworthy teste 25 titres par article pour voir lequel marche le mieux, il y a des chances pour que cette popup marche bien pour eux.

Mais d’après moi, ce genre de pratique est à classer parmi les dark patterns : « un type d’interface utilisateur qui a été soigneusement conçue pour inciter les utilisateurs à faire des choses, comme souscrire à une garantie lors de leur achat ou s’inscrire pour un abonnement récurrent ». Ça marche, mais c’est à utiliser avec grande précaution.