La mono-culture WebKit

Ce matin, j’ai lu avec stupeur cet article de Jeremy Kahn, « Je suis pour la mono-culture WebKit » :

Imaginez si Firefox passait à WebKit : ça libérerait des tonnes de temps passé à corriger des bugs de Firefox. Ne vous méprenez pas, un monde sans bugs spécifiques à certains navigateurs est une chimère. Mais standardiser sur un seul moteur de rendu ferait avancer d’un grand pas l’unification du web.

Vous ne serez pas surpris si je vous dis que Jeremy Kahn travaille chez Google. Mais je suis toujours aussi surpris de voir que l’argument en faveur d’un seul moteur de rendu trouve une audience.

Le débat n’est pas nouveau, et j’y avais longuement contribué il y a deux ans avec mon article sur le pixel perfect. Plus récemment, sur Branch, j’expliquais mon point de vue.

S’accorder sur un moteur de rendu unique, c’est comme souhaiter une dictature. Ça peut être bien si le dictateur en question est sympa et oeuvre pour le bien de tous. Mais l’Histoire nous prouve que ce n’est jamais le cas.

S’accorder sur un moteur de rendu unique, c’est choisir un bénéfice à court terme (ne plus avoir à se casser la tête avec plusieurs moteurs de rendu), au détriment de bénéfices au long terme (avoir des navigateurs toujours plus performants et plus complets).

J’aime beaucoup la conclusion de l’article de ce cher Kahn :

La compétition est bonne et nécessaire, mais pas pour tout. J’adorerais voir les fabricants de navigateurs se concentrer sur la compétition pour des fonctionnalités qui bénéficient à l’utilisateur, plutôt que sur leur propre interprétation des standards du W3C.

J’aurais tendance à dire que les navigateurs sont finis. Et même si les quelques nouveautés d’interface bien pensées apparues ces dernières années sont les bienvenues, la vraie différenciation se fait justement sur le moteur de rendu et le moteur d’exécution JavaScript. C’est là le nerf de la guerre. Je ne pense pas qu’un traducteur ou un lecteur PDF intégré soit un argument suffisant pour des vrais gens pour s’imposer la difficile tâche de changer de navigateur. Par contre, un navigateur deux fois plus rapide à afficher une page web, ça peut valoir le coup.

Opera a récemment présenté un projet de navigateur mobile sous WebKit. Mozilla en a fait de même l’année dernière en présentant Firefox Junior. Même Microsoft utilise WebKit pour Outlook 2011 sous Mac. Dans le web mobile, WebKit bénéficie déjà d’un monopole important entre Safari sous iOS et Chrome sur Android.

La perspective d’une mono-culture WebKit semble de plus en plus réaliste. Mais ce n’est vraiment pas quelque chose dont on peut se réjouir. Et encore moins quelque chose que l’on devrait souhaiter.