L’éléphant et son cavalier
J’ai récemment commencé à lire Switch : how to change things when change is hard de Chip et Dan Heath. Comme son titre l’indique, le livre explique comment parvenir à changer des choses quand le changement semble impossible. Et pour ça, tout le livre tourne autour d’une analogie sur notre cerveau : l’éléphant et son cavalier. Voici un extrait du premier chapitre.
Le savoir conventionnel en psychologie est que le cerveau a deux parties indépendantes qui travaillent en permanence. Premièrement, il y a ce qu’on appelle le côté émotionnel. C’est la part de vous qui est instinctive, qui ressent de la douleur et du plaisir. Deuxièmement, il y a le côté rationnel, aussi connu comme le système réflectif ou la conscience. C’est la part de vous qui délibère et analyse et se penche vers l’avenir.
Ces dernières décennies, les psychologues ont beaucoup appris sur ces deux systèmes, mais bien sûr l’Homme a toujours été conscient de la tension. Platon disait que dans nos têtes nous avons un cocher rationnel qui doit maîtriser un cheval indiscipliné qui « répond à peine à la cravache et l’aiguillon combinés ». Freud écrivait à propos de l’identifiant égoïste et du superégo consciencieux (et aussi l’égo, qui sert d’intermédiaire entre les deux). Plus récemment, des économistes comportementaux ont surnommé les deux systèmes le Planificateur et le Faiseur.
Mais, pour nous, la tension du duo est mieux capturée par une analogie utilisée par le psychologue de l’Université de Virginie Jonathan Haidt dans son fantastique livre The Happiness Hypothesis. Haidt dit que notre côté émotionnel est un Éléphant et notre côté rationnel son Cavalier. Perché en haut de l’éléphant, le cavalier tient les rênes et semble être le chef. Mais le contrôle du cavalier est précaire car le cavalier est tout petit à côté de l’éléphant. A chaque fois que l’éléphant de six tonnes et le cavalier sont en désaccord sur la direction à prendre, le cavalier va perdre. Il est totalement soumis.
La plupart d’entre nous sont bien trop familiers avec des situations dans lesquelles notre éléphant domine notre cavalier. Vous avez déjà vécu cela si vous vous êtes déjà reveillé en retard malgré votre réveil, si vous avez déjà trop mangé, rappelé votre ex à minuit, procrastiné, essayé d’arrêter de fumer et échoué, laissé tomber le sport, si vous vous êtes déjà mis en colère et avez dit quelque chose que vous regrettiez, abandonné vos cours d’espagnol ou vos leçons de piano, refusé de parler lors d’une réunion parce que vous aviez peur, et ainsi de suite. La bonne nouvelle c’est que personne ne compte les points.
La faiblesse de l’éléphant, notre côté émotionnel et instinctif, est claire : il est fainéant et capricieux, recherchant souvent la récompense à court terme (un cornet de glace) plutôt qu’à long terme (perdre du poids). Quand les efforts pour changer échouent, c’est habituellement la faute de l’éléphant, puisque les types de changements que nous voulons impliquent généralement des sacrifices à court terme pour une récompense à long terme. (On réduit les dépenses aujourd’hui pour obtenir un meilleur bilan l’année prochaine. On évite le cornet de glace aujourd’hui pour une meilleure silhouette l’année prochaine.) Les changements échouent souvent car le cavalier ne peut simplement pas tenir l’éléphant sur la route suffisamment longtemps pour atteindre la destination.
La faim de l’éléphant pour une gratification instantanée est l’opposée de la force du cavalier, qui a habilité de penser à long terme, de planifier, de penser au delà du moment (toutes ces choses que votre animal de compagnie ne peut pas faire).
Mais ce qui peut vous surprendre est que l’éléphant a aussi d’énormes forces et que le cavalier a des faiblesses handicapantes. L’éléphant n’est pas toujours le mauvais garçon. L’émotion est le truc de l’éléphant : l’amour et la compassion et la sympathie et la loyauté. Cet instinct féroce que vous avez pour protéger vos enfants du mal, ça c’est l’éléphant. Ce raidissement de la colonne vertébrale que vous ressentez quand vous devez vous défendre, ça c’est l’éléphant.
Et encore plus important si vous regardez un changement en cours : c’est l’éléphant qui fait avancer les choses. Progresser vers un but, qu’il soit noble ou grossier, demande l’énergie et la conduite de l’éléphant. Et cette force est le miroir de la plus grande faiblesse du cavalier : faire du surplace. Le cavalier a tendance à suranalyser les choses et à surréfléchir. Il y a des chances pour que vous connaissiez des gens qui ont le problème du cavalier : votre ami qui peut agoniser pendant 20 minutes avant de choisir ce qu’il va manger pour dîner; votre collègue qui peut se remuer les méninges pour trouver de nouvelles idées pendant des heures mais ne semble jamais pouvoir prendre la moindre décision.
Si vous voulez changer les choses, vous devez attirer les deux. Le cavalier fournit le planning et la direction, et l’éléphant fournit l’énergie. Donc si vous atteignez les cavaliers de votre équipe mais pas les éléphants, les membres de votre équipe auront la compréhension sans la motivation. Si vous atteignez leurs éléphants mais pas leurs cavaliers, ils auront la passion mais sans direction. Dans les deux cas, les défauts peuvent être paralysants. Un éléphant réticent et un cavalier qui fait du surplace peuvent tous deux faire en sorte que rien ne change. Mais quand les éléphants et les cavaliers bougent ensemble, le changement peut arriver facilement.
C’est ma nouvelle analogie préférée.