Bienvenue dans le monde d’Apple
Il y a quelques semaines, le magazine Forbes rapportait qu’Apple était désormais la société ayant la plus grande valeur en capitalisation boursière (et historiquement, juste derrière le record de Microsoft en 1998). Cette nouvelle va dans la continuité de trois trimestres aux résultats exceptionnels pour Apple (1, 2, 3).
Je pense que les résultats d’Apple sont à prendre très au sérieux. Apple n’est pas pour autant la plus grosse société au monde (avec seulement 60 000 employés contre 2 millions pour WalMart). Apple n’est pas non plus la société générant le plus gros chiffres d’affaires (avec « seulement » 108 milliards de dollars en 2011 contre plus de 486 milliards de dollars pour ExxonMobil). Mais Apple est en tête des sociétés qui génèrent le plus de bénéfices au monde. En 2012, Apple cumule déjà 33,46 milliards de dollars de bénéfices, assurant ainsi la 7ème place au panthéon des sociétés ayant fait le plus de bénéfices en une année.
Les bénéfices, pour une entreprise, c’est vital. Comme le dit John Gruber, « les bénéfices sont l’oxygène que les sociétés respirent« . Les bénéfices sont ce qui permet à une entreprise de vivre, d’avancer, de se projeter, d’innover. Mais surtout, les bénéfices confèrent aux grandes entreprises une influence importante.
Il y a quelques mois, lors de l’annonce des résultats d’Apple pour son second trimestre de l’année fiscale 2012, j’écrivais :
Je suis né et j’ai grandi dans un monde où les rois du pétrole étaient les rois du monde. Nos moyens de locomotions, nos modes de vie, nos Guerres, ont directement été influencées par la possession et le contrôle du pétrole.
Depuis 6 mois, ce n’est plus le cas. Depuis 6 mois, c’est une société informatique qui a pris ce rôle. Depuis 6 mois, c’est Apple qui domine le monde.
La comparaison entre Apple et les compagnies pétrolières est une parfaite illustration de la théorie espagnole : les compagnies pétrolières gagnent de l’argent en vendant de la « matière noire », Apple gagne de l’argent en vendant de la matière grise.
L’idée de l’influence qu’Apple peut avoir sur notre société en comparaison avec l’influence qu’ont eu les compagnies pétrolières me fascine. Car c’est à la fois une très bonne chose, et une très mauvaise chose. C’est une bonne chose, selon moi, pour certaines valeurs d’Apple que je partage, comme le goût du design. Mais c’est une mauvaise chose, selon moi, pour d’autres pratiques moins appréciables, comme leur fermeture et leur propriétarisation à outrance.
Dans le monde informatique, l’influence d’Apple en matière de design se fait déjà fortement sentir. Jugez plutôt.
Il n’y a pas un seul produit Apple sur cette image. (De gauche à droite et de haut en bas : le N2-A de KIRF, la Chromebox de Google, un câble USB pour Galaxy Tab de Samsung, le HP Envy, le packaging d’une Galaxy Tab de Samsung, la tablette/laptop Series 7 de Samsung).
Le plagiat est éhonté, mais je préfère vivre dans un monde où nos appareils électroniques s’inspirent d’un bon design. Les comparaisons de produits avant/après l’arrivée de l’iPhone ou du Macbook Air en sont un bon témoignage. Ce goût du design minimaliste s’étend aussi petit à petit à d’autres produits, comme le thermostat Nest, le (feu) caméscope Flip, ou l’appareil photo Lytro.
Sur le web, l’influence d’Apple, bien que peu apparente, me semble toute aussi importante. Apple a par exemple joué un rôle majeur dans la disparition de Flash sur le web. Bien que n’étant pas les premiers à ne pas supporter Flash sur leurs appareils, l’influence d’Apple a clairement aidé.
Mais l’influence d’Apple sur le web n’est pas toujours aussi positive, et en voici quelques exemples.
- En choisissant délibérément de ne pas respecter les spécifications du W3C et en ne retirant pas les préfixes –webkit- des propriétés CSS en cours de recommandation, Apple a initié tout un tollé menant à la disparition des préfixes navigateurs.
- Avec le lancement d’iBooks Author en début d’année, Apple a préféré lancer son propre format de livre numérique dérivé d’EPUB, plutôt que de contribuer au standard pour en faire bénéficier toute l’industrie. On retrouve également une tripotée de propriétés CSS non standards qu’Apple a implémenté dans WebKit, sans aucune intention de les standardiser, au dépends des autres navigateurs et de l’éco-système ouvert du web.
- Le format vidéo ouvert WebM a été tué dans l’oeuf par Google, au profit du format H.264, format plébiscité par Apple et indispensable pour lire des vidéos sur le web sur iOS.
- Avec le lancement d’iOS 4.3, Apple a grandement amélioré le moteur JavaScript de Safari (Nitro). Sauf que ces améliorations ne sont pas disponibles pour des applications web en dehors de Safari (via une UIWebView ou un raccourci sur l’écran d’accueil). Résultat : le développement d’application web est souvent laissé de côté.