Le ciel du Titanic
Aujourd’hui sort sur nos écrans Titanic, en 3D. Je me passerais de commentaires sur cette mode. Mais ça m’a rappelé une interview rigolote vue récemment de Neil deGrasse Tyson, mon mème/astrophysicien/directeur du planétarium du Musée d’Histoire Naturelles de New York préféré (dont je vous avais déjà parlé). Il évoque la véracité scientifique des films de science fiction en général, et s’arrête sur un détail particulier du Titanic de James Cameron.
Je dois avoir été l’une des dernières personnes au monde à avoir payé pour voir le film Titanic au cinéma. On n’était plus que cinq dans la salle à ce moment là. Tout le monde avait vu le film trois fois, je devais le voir au moins une fois.
Donc je regarde le film, et tout se passe bien. Ce film, pour rappel, avait été largement vendu comme reproduisant précisément les détails du bateau. James Cameron, le réalisateur, a loué un submersible pour aller jusqu’à l’épave du bateau et observer le design des murs, les motifs chinois et les salles de commande. Il a retranscrit tout ça dans son film. Voilà quelqu’un qui se soucie des détails. Donc je regarde le film. Le bateau coule. (Désolé, j’ai raconté la fin, au cas où certains ne savaient pas.)
On connaît le jour, l’heure, la longitude, la latitude, l’année. On sait tout sur quand et comment ce bateau a coulé. Et là il y a Kate Winslet, sur sa planche, qui chante en plein délire, pendant que son petit copain coule jusqu’au fond de l’océan… (Pourquoi est-ce qu’il n’a pas essayé de s’accrocher avec elle ? Vous croyez qu’ils n’auraient pas pu arrivé à trouver un moyen à deux ? Vraiment ?) … elle est là, elle regarde le ciel. Il n’y a qu’un seul ciel qu’elle aurait du regardé, et c’était le mauvais ciel. Pire encore, ce n’était pas seulement le mauvais ciel, mais la partie gauche du ciel était le miroir de la partie droite du ciel. Non seulement c’était faux mais en plus ça a été fait par un paresseux. Et là je me dis… c’est mal !
On connait tous le ciel. C’est notre jardin à tous (et si ça ne l’est pas, ça devrait l’être). Et pour quelques dollars vous pouvez acheter un programme de planétarium sur votre ordinateur, regarder le ciel à la date du naufrage du Titanic et vous rendre compte que ce n’est pas le ciel du Titanic de James Cameron.
Donc j’ai pris ma plus belle plume, et j’ai écrit une lettre à James Cameron, lui disant poliment : « Comment est-ce que tu as pu foiré le ciel ? ». Je n’ai eu aucune réponse.
Cinq ans plus tard, je fais parti d’une commission dont il fait également parti (d’ailleurs il a été conseiller pour la NASA pendant un moment – pas pour le ciel, mais pour d’autres trucs, comme de l’exploration). Et donc, je me trouve dans la même pièce que lui. Je me dis : « voilà une belle occasion ! ». Donc je lui dis : « Monsieur Cameron, je vous ai écris une lettre il y a quelques années », qu’il n’a jamais reçue, « saviez-vous que votre ciel est complètement faux ? On connait ce ciel, et tout le reste de votre film était si précis… ». Et il me réponds : « Je ne le savais pas. » En fait ça s’est passé en post-production. Et c’est tout ce qu’il m’a dit. J’étais totalement immature, et je voulais qu’il s’agenouille à mes pieds et qu’il implore mon pardon. Mais il ne l’a pas fait. Et donc je suis resté profondément insatisfait à cause de ça.
Trois ans plus tard, il reçoit une récompense du magazine Wired. Et ils ont loué MON planétarium pour lui remettre. Donc dans mon immaturité irrationnelle, je lui en parle à nouveau. Il se trouve que j’étais invité à dîner avec lui après l’événement. On n’était que huit, on buvait bien, l’ambiance était décontractée. Je lui dit « Jim » (parce que maintenant je peux l’appeler Jim), « je t’avais écris une lettre concernant ton ciel, le fait qu’il était erroné, comment tu avais pu faire ça… » Et il m’a répondu : « La dernière fois que j’ai vérifié, Titanic a généré 1,3 milliards de dollars de recette à travers le monde. Imagine combien il aurait pu générer si j’avais eu le bon ciel ! ». Ça me l’a bouclée, je ne pouvais rien répondre à ça. Je suis rentré chez moi, la queue entre les jambes.
Deux mois plus tard, je reçois un appel d’un type : « Bonjour, je travaille en post-production dans les studios de James Cameron. On va sortir une version spéciale du film pour son dixième anniversaire, et il m’a dit que vous aviez un ciel qu’on pouvait utiliser. »
« YEEEEES ! »
Ce sont les petits détails qui font la différence.