La taxe Adobe pour Flash
Il y a 6 mois, je partageais ma vision d’Adobe et de Flash en la résumant en une phrase :
La philosophie de Flash est exclusive; elle pousse à la créativité aux dépends de la technique, à la fermeture et à la lucrativité.
Depuis, Adobe a annoncé l’arrêt de Flash sur mobiles et son repositionnement de Flash pour de la vidéo et du jeu premium. Et on a vu arriver pour la première fois des démos de jeux impressionantes, comme Epic Citadel ou Tail Drift. Mais hier, Adobe a provoqué la colère de toute sa communauté en annonçant une taxe dédiée aux développeurs de jeux en Flash.
Les fonctionnalités premium sont disponibles sans redevance et sans restriction jusqu’au 31 juillet 2012. A partir du 1er août, les fonctionnalités premium nécessiteront une license d’Adobe. Les applications qui gagnent moins de 50 000$ de chiffre d’affaires resteront libre de toute redevance, tout comme l’utilisation des fonctionnalités premium livrées avec Adobe AIR, y compris pour les applications mobiles pour iOS et Android.
Il n’y a aucun frais pour utiliser les fonctionnalités premium des applications qui génère moins de 50 000$ de chiffre d’affaires. Pour chaque application qui génère plus de 50 000$, les frais pour utiliser les fonctionnalités premium seront de 9% du chiffre d’affaires net de l’application au dessus de 50 000$. Le chiffre d’affaires net est calculé après déduction des taxes, des coûts de traitement des frais, et des frais des plate-formes sociales.
Il est courant pour les développeurs de laisser une part de leurs revenus à la plate-forme qui les diffuse. Apple prends 30% des ventes sur l’App Store. Google prends 5% des ventes sur le Chrome Web Store. Mais c’est en échange d’un service d’hébergement, de diffusion et à moindre échelle de promotion des applications que vous soumettez. Avec la nouvelle taxe d’Adobe, vous n’avez rien de plus en échange. Autrement dit : bien que vous ayez payé Adobe des milliers d’euros en license pour utiliser leurs outils de développement Flash, vous devrez vous acquitter de 9% de vos revenus au delà de 37 000€ pour continuer à utiliser Flash.
Néanmoins, ce cap financier n’est clairement pas atteint par la plupart des jeux Flash. Et surtout, les fonctionnalités premium en question concernent uniquement l’utilisation conjointe de deux API (ApplicationDomain.domainMemory et Stage3D.request3DContext), dédiées à l’optimisation de la mémoire et à l’accélération graphique matérielle. Pourtant, cette annonce sonne vraiment comme un geste audacieux de la part d’Adobe, qui a construit son patrimoine dans le domaine du jeu grâce à des petits développeurs indépendants.
J’ai toujours du mal à voir où va Adobe en souhaitant se concentrer sur du jeu vidéo « premium », digne de consoles de salon. L’immense succès des jeux Flash s’est construit grâce à des milliers de développeurs indépendant qui ont créé des jeux simples, et attractifs pour le grand public. En visant du jeu haut de gamme, Adobe cible un public de joueurs avertis. Et dans ce domaine, ils ne sont pas en concurrence avec des organismes de standards du web, mais avec des sociétés spécialisées dans le jeu vidéo comme Nintendo, Sony et Microsoft. Adobe s’est par exemple associé à Epic et Unity pour porter leurs moteurs 3D respectifs sous Flash Player. Mais ces moteurs fonctionnent déjà sur les autres plates-formes (iOS, Android, PC, Mac, ou même via un plugin web pour Unity). J’ai un tout petit peu de mal à voir pourquoi un développeur choisirait de passer par Adobe pour porter un jeu sur le web aujour’hui.