Opera passe sous WebKit
L’année dernière à Sud Web, Bruce Lawson (responsable des relations avec les développeurs chez Opera) expliquait les dangers d’une monoculture web :
Les gens ont dit : « C’est votre propre faute, parce que vous, Opera, Mozilla et Microsoft n’avez pas innové suffisamment rapidement. Si on n’avait qu’un seul moteur de rendu, l’innovation serait plus rapide. »
C’est complètement fou. IE6 nous a prouvé que c’était fou.
La semaine dernière, Opera a annoncé son intention de passer toutes ses versions de navigateur (bureau, mobile et proxy) sous WebKit. La raison évoquée est purement stratégique : Opera a 300 millions d’utilisateurs dans le monde, dont 230 millions sur mobile. Pour ne pas perdre de parts de marché dans ce monde hautement concurrentiel et déjà largement dominé par des navigateurs WebKit, Opera est prêt à sacrifier Presto, son propre moteur de rendu.
Le mois dernier, j’écrivais sur la mono-culture WebKit :
La perspective d’une mono-culture WebKit semble de plus en plus réaliste. Mais ce n’est vraiment pas quelque chose dont on peut se réjouir. Et encore moins quelque chose que l’on devrait souhaiter.
Ça y est, on y est. D’ici la fin de l’année et le passage effectif d’Opera sous WebKit, plus de 95% des internautes mobiles seront sous WebKit.
Des dizaines d’articles ont été écrits sur le sujet, certains voyant ça comme une bonne nouvelle, d’autres pas. Je pense que ce commentaire chez Hacker News (lu via @nitot) résume bien la situation :
Le problème d’avoir un standard défini par une implémentation est que ça rend presque impossible d’avoir une autre implémentation.
C’est bien si on se met d’accord ici et maintenant en 2013 pour dire que WebKit est le seul moteur de rendu dont nous aurons à tout jamais besoin.
Ça ne semble pas un bon pari à faire. Opera était mieux sur certains points sur mobile que des navigateurs WebKit, à part pour les sites WebKit-only cassés. Ça ne va pas s’améliorer maintenant.
Le problème des débats sur la mono-culture, c’est qu’on ne sait pas comment l’avenir va se dérouler. Peut-être que réunir Apple, Google, Nokia, RIM et désormais Opera autour d’un même projet va permettre un web encore plus innovant. Dave Methvin, de jQuery, semble plutôt pessimiste à ce sujet :
Opera a soumis son premier patch à WebKit afin d’envoyer clairement son intention de ne pas s’éloigner du développement du moteur de rendu. Mais encore une fois, l’âge de ce bug souligne un des problèmes de WebKit. Il a fallu cinq ans et demi pour faire une correction d’une demi-ligne ! Maintenant pour un premier commit, c’est une bonne chose pour l’équipe d’Opera puisque ça leur permet d’avoir un ressenti du système et d’écrire quelques lignes supplémentaires de tests unitaires. Mais cinq ans ? Pourquoi si longtemps pour un bug aussi trivial ?
Parce que corriger des bugs ne fait pas la une.
C’est à mon avis la peur la plus raisonnable à avoir de WebKit. En 2001, IE6 a attiré les développeurs avec son moteur de rendu flambant neuf et pleins de nouveautés futuristes comme ActiveX. Aujourd’hui, WebKit adopte un peu la même stratégie en cherchant avant tout à être le premier à implémenter des fonctionnalités, et tant pis pour les bugs.
Le risque, pour nous, pauvres intégrateurs, est alors de se réveiller trop tard, et de devoir attendre à nouveau dix ans pour se détacher de la mono-culture WebKit.