Non, Apple, tu n’es pas Charlie

Les attentats perpétrés ce mercredi 7 janvier à Paris m’ont laissé sans voix. Je n’ai aucune idée de comment réagir face à ce genre de situation. Je regarde les chaînes d’infos en boucle. Je lis et relis des articles sur tous les sites d’information ressassant les mêmes informations. Comme si j’avais besoin de me rappeler que c’était bien arrivé.

Néanmoins, je trouve un certain réconfort à observer des rassemblements, un peu partout dans le monde ou en ligne, souvent derrière le slogan « Je suis Charlie ». Mais je n’ose pas prononcer ce slogan pour autant. Parce que si je suis pour la liberté d’expression, je n’ai jamais œuvré pour sa défense. Je n’ai jamais acheté le moindre exemplaire de Charlie Hebdo. Et je ne me suis encore moins battu pour pouvoir librement publier mes idées.

Charlie, oui. Et des journalistes, dessinateurs, et policiers assurant leur protection sont morts pour ça. Je n’ai pas le millionième de courage et de valeurs que ces gens avaient.

Ce matin, je lis que le site français d’Apple arbore fièrement une bannière avec le slogan « Je suis Charlie ». Et ça me met hors de moi.

Je suis Charlie sur le site d'Apple

Il y a une page Wikipédia recensant quelques exemples de censures opérées par Apple. Le plus approprié à vous donner est le suivant :

En décembre 2009, Apple a banni une application de dessins humoristiques appelée NewsToons par le dessinateur Mark Fiore, sur les motifs qu’elle « ridiculisait des personnalités publiques ».

En avril 2010, Fiore a gagné le prix Pulitzer pour ses dessins satiriques politiques, rentrant dans l’Histoire comme le tout premier dessinateur publié uniquement sur Internet à gagner le prestigieux prix journalistique. Suite à un tollé général après que l’affaire ait fait grand bruit au lendemain de sa récompense, Apple a demandé à Fiore de resoumettre son application, et elle a cette fois-ci été acceptée.

Fiore déclara : « Bien sûr, mon application a été approuvée. Mais que se passe-t-il pour quelqu’un qui n’a pas gagné un Pulitzer et qui fait peut-être une meilleure application politique que la mienne ? Est-ce qu’il faut une frénésie médiatique pour qu’une application avec du contenu politique soit approuvée ? »

Cet exemple date d’il y a quelques années, et il avait fait grand bruit dans la presse généraliste. Mais il ne se passe pas une semaine sans que je ne lise un exemple du même genre. Encore ce matin, justement, je suis tombé sur ce tweet :

Notre application iOS a été rejetée de l’App Store parce qu’un lien de support va sur le web vers une FAQ où nous mentionnons que nous avons une application disponible sur Android.

Alors, non, Apple, tu n’es pas Charlie. Tu œuvres au quotidien contre la liberté d’expression pour défendre tes intérêts commerciaux. Je comprends que tu sois ému par ces attentats et que tu souhaites apporter ton soutien. Mais dans ce cas, il est peut-être temps de revoir ta politique de revue des contenus afin de défendre la liberté d’expression plutôt que la brider.